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Verslag door Edouard Sève betreffende het verhandelde in de vijfde sectie van het Internationaal Congres te Amsterdam, en Multatuli's optreden aldaar op 1 oktober 1864. Revue Trimestrielle, Onzième année, tome quatrième, blz. 347-370. (I.I.S.G. Amsterdam; fotokopie M.M.)

De onderstaande twee fragmenten omvatten de inleidende paragraaf (blz. 347-348) en de slotparagraaf (blz. 365-370).

Cinquième section

Président: Hartsen. - Vice-Présidents: MM. Bachiene et Corr. Vander Maeren. - Secrétaires: MM. A. Holtzman, Keer, de Roisin, De Deyn et Ed. Sève.

Cette année la cinquième section a tenu à examiner toutes les questions portées à son programme, laissant aux orateurs, aux économistes et aux savants le soin d'étudier ces graves sujets d'intérêt si général à notre époque d'une manière plus approfondie. Bien plus, elle a tenu en l'honneur de M. Max Wirth, le noble, le digne soutien de Schultze Delitsch, à entendre diverses communications fort intéressantes sur les associations coopératives auxquelles elle avait déjà consacré plusieurs séances aux Congrès précédents.

La cinquième section a, depuis la fondation de l'Association, montré un zèle ardent à défendre les grands problèmes économiques de notre époque: uniformité dans la législation, suppression de toutes les entraves apportées au libre développement des facultés productives des nations, organisation du crédit, développement des associations, et surtout cette grande question des colonies et celle non moins importante de la suppression des douanes qu'elle remet chaque année avec une conviction intelligente, inébranlable à son ordre du jour, en 1862 en l'étudiant, en 1863 en la résolvant, enfin, en 1864 en rassurant les gouvernements sur les conséquences économiques de cette réforme sociale. N'est-ce point là remplir dignement la mission que se sont imposée les membres de la section d'économie politique? Les questions proposées à son examen, au Congrès d'Amsterdam, étaient au nombre de cinq. Les communications sur les associations coopératives en formaient une sixième.

La plus importante pour les habitants de la Néerlande, celle qui produit au milieu de ce peuple ordinairement si calme une agitation politique des plus violentes, avait été réservée pour la séance générale du samedi 4^er octobre, la dernière du Congrès de 1864.

Nous avons vu dans les mémorables débats qu'ont soulevés la question coloniale le spectacle imposant et d'une importance capitale pour l'Association internationale, d'un ministre venant défendre à la tribune de ce parlement libre sa gestion comme gouverneur des Indes, son administration comme ministre de cette heureuse Hollande contre les attaques du courageux, du viril et sincère auteur de Max Havelaar et du traité Sur le travail libre dans les Indes néerlandaises et l'agitation coloniale actuelle.

Nous reviendrons plus loin sur cette séance, la plus efficace, la plus directement utile au but que se proposent nos congrès. Nous adoptons pour cette section la marche que nous avons suivie l'année précédente, en donnant le compte rendu malheureusement trop écourté des débats.

VI

‘Quelle a été et quelle doit être l'influence des sciences économiques sur le régime colonial? Quels sont, au même point de vue, les droits et les devoirs des peuples de l'Europe, qui possèdent des colonies, envers les aborigènes?’

Un grand nombre d'orateurs étaient inscrits sur cette question, qui depuis plusieurs années fait l'objet de luttes passionnées dans les chambres néerlandaises; aussi à aucune des trente-trois séances du Congrès des sciences sociales de cette année ne vit-on une affluence plus grande, un public plus agité et manifestant plus ouvertement ses antipathies et ses sympathies. Deux partis étaient en présence: l'un qui considère les possessions comme un pays conquis dont on doit tirer le plus d'avantages possibles, l'autre qui veut étendre aux colonies les bienfaits des réformes obtenues dans la mère-patrie.

On avait annoncé que M. Vander Putte, le ministre des colonies actuel, devait prendre la parole; on savait que parmi les inscrits se trouvaient le savant homme d'État M. Rochussen, ancien gouverneur des possessions néerlandaises, et M. Douwes-Dekker, connu par ses écrits violents et énergiques sur la situation des colonies. (M. Douwes-Dekker fut longtemps fonctionnaire de l'État; ses écrits publiés sous le pseudonyme de Multatuli (j'ai beaucoup souffert), eurent un immense retentissement en Néerlande.)

Il n'en fallait pas plus pour attirer un nombre considérable de Hollandais; ce peuple ordinairement si calme, si flegmatique, a prouvé pendant cette mémorable séance que la passion sait l'aiguillonner et même le dominer.

Nous exprimerons à cette occasion le regret que nous avons éprouvé de voir le président de la 5^e section, M. Hartsen, oublier les devoirs de la présidence qui commandent l'impartialité la plus complète. L'assemblée exprimait le désir de voir continuer la discussion et d'entendre d'autres orateurs répondre à M. Rochussen, M. Bachiene entre autres; mais M. Hartzen a enlevé adroitement la clôture, malgré de vives protestations. Certes de raisons de délicatesse pouvaient engager notre président à abuser de son autorité, MM. les ministres des finances et des colonies siégeant à notre bureau; mais dans une association qui a inscrit sur son drapeau: tolérance et liberté, la discussion n'a rien à craindre quant à la dignité qui doit régner dans l'expression de chaque opinion.

M. Douwes-Dekker avait mis trop de passion dans l'expression de sa pensée, mais ce n'était point une raison pour supposer que M. Bachiene, conseiller d'État, notre vice-président, et les deux orateurs inscrits, eussent pu froisser le parti conservateur dont M. Hartsen est l'un des partisans les plus fervents. L'Association, on se le rappellera, n'a pas d'opinion; elle laisse à ses membres leur liberté et une responsabilité complète.

Voici le résumé fidèle et impartial de la séance du 1^er octobre:

M. Paul Blanc. Depuis 34 ans la conquête de l'Algérie est accomplie par la prise d'Alger, et aujourd'hui la France ne sait pas encore tirer parti de sa colonie. Elle n'est pas parvenue à rendre les indigènes heureux, ni à tirer de l'Algérie un parti financier. Le gouvernement semble ne s'être préoccupé que de l'organisation d'un clergé moitié musulman, moitié gallican. L'administration intérieure est aux mains d'hommes peu honnêtes et peu moraux, qui ne vivent que d'exactions qui pèsent et s'exercent sur les aborigènes en toutes circonstances. Rien n'a été négligé pour faire détester la mère-patrie. Ces administrateurs arabes ne sont pas soumis à un contrôle sérieux. Le séna-tus-consulte récent, au lieu de supprimer ce fâcheux état de choses, a établi la mainmorte, abus non moins monstrueux, et aggrave la rigueur du régime despotique qui écrase les populations arabes. Rien n'est fait ni pour la liberté individuelle, ni pour la liberté politique, ni pour la liberté commerciale.

L'administration de la justice manque de règles et d'organisation. Le résultat de cette politique, c'est l'insurrection, nous en sommes témoins. La France avait le devoir de doter sa colonie de bonnes institutions, d'assimiler les indigènes aux colons.

M. de Coninck affirme que l'achat et la vente des terres est libre en Algérie.

M. Blanc. Cela n'est vrai que pour le vingtième du territoire.

M. Bake examine la question coloniale au point de vue international. Il se demande si l'économie politique est applicable aux colonies composées en majorité d'aborigènes. Il ne l'admet qu'exceptionnellement, se fondant sur la situation sociale des colonies qui ne comporte pas l'application des principes de cette science tout à fait occidentale. Il s'occupe spécialement de la colonie javanaise.

Il prend pour exemple le principe de la liberté du travail. Suivant lui, la liberté du travail n'est pas possible, le travail doit être forcé à cause de l'indolence et de l'ignorance des populations, à cause de la possession commune des terres, et enfin à cause du payement de l'impôt en travail. La concurrence du travail n'est pas davantage possible en raison de ce que l'État est l'unique producteur et producteur privilégié, qu'il règle seul le salaire et l'offre.

M. Van Soest. Les colonies possèdent dès leur début une existence souveraine et indépendante et les mêmes aspirations vers la liberté que les métropoles. Le problème est tout entier dans la liberté combinée avec un patronage tutélaire. Il faut proscrire l'idée exclusive de l'exploitation des colonies au profit du lucre qui caractérise la colonisation des trois derniers siècles. Il faut l'application sincère des principes de l'économie politique, l'affranchissement des populations des colonies: c'est ce que la Hollande a méconnu depuis 1830. L'or et le lucre ont été sa seule préoccupation. Elle a établi un système mixte que n'est ni le monopole ni la liberté, et qui laisse subsister la servitude. Droit au travail, droit à la propriété et liberté sociale de l'indigène, tel est le but auquel il faut tendre, tel est le devoir des métropoles.

Il faut introduire chez les races asiatiques le génie civilisateur de l'Europe, au lieu de lui fermer les portes des colonies par l'oppression et la tyrannie.

M. Douwes-Dekker. L'effet de la science économique sur le régime colonial hollandais a été nul. L'erreur des conservateurs hollandais est d'imposer aux aborigènes des colonies javanaises le travail au profit de la mère-patrie; l'erreur des libéraux est de vouloir exclusivement l'exploitation des colonies par les industriels et les commerçants de la métropole. L'orateur proteste contre ces deux erreurs. Il n'est ni d'un parti ni de l'autre, mais du parti des hommes de coeur; il s'élève avec une véhémence inouie contre ceux qu'il pense ne pas avoir accompli dignement leur devoir. Au milieu de l'agitation que provoquent ses accusations, M. Douwes-Dekker termine son discours en citant quelques lignes de son dernier travail que nous avons rappelé plus haut, en demandant que la mère-patrie accomplisse une mission de civilisation.

M. Rochussen (ancien gouverneur des Indies néerlandaises) prend la défense du gouvernement hollandais injustement attaqué. Il indique les résultats obtenus par l'administration hollandaise. L'ancien système du parti colonial a disparu pour faire place à la liberté individuelle. La servitude du travail est abolie. L'orateur compare l'état administratif des Indes néerlandaises et des Indes anglaises. Il trouve que l'intention de l'Angleterre a été bonne, mais elle n'a été ni prudente ni politique. L'Angleterre a voulu former l'Indien à son image, sans tenir compte de la race, du climat, des moeurs, de la religion. Les principes européens n'étaient pas applicables. De là de mauvais résultats. Les castes hostiles, le clergé blessé dans ses convictions religieuses, le peuple appauvri et froissé dans ses moeurs; à côté d'un riche un demi-million de pauvres, l'exploitation des indigènes par l'usure, l'impôt grevant le sol d'une manière excessive et rendant la propriété impossible à l'indigène. Telle est la cause de la révolte récente des Indiens qui a été un enseignement que l'Angleterre a utilisé en revenant peu à peu de ses anciennes erreurs. Dans les Indes néerlandaises, les épiciers armés ont disparu. Depuis que nos possessions nous ont été rendues, les principes sociaux y ont été introduits en harmonie avec les éléments méconnus dans les Indes anglaises. De 1816 à 1830, la Hollande a dû faire de grands sacrifices pour ses colonies. En 1830, le général Vanden Bosch introduit un système de culture basé sur l'indivision du sol, et l'usufruit divisé et le fermage ainsi que la corvée payés par un tantième du rendement de la terre. Cette base doit être modifiée pour que la civilisation puisse progresser. Ce sera l'oeuvre certaine de l'avenir. La grande difficulté matérielle est l'irrigation qui ne peut se faire partiellement.

L'orateur expose la statistique des résultats de dix années (1852-1862); le total des bénéfices est de 729,000,000 florins, mais les dépenses par contre étaient en 1852 de 65 millions, en 1862 de 92,000,000 florins. La mère-patrie n'est donc pas une marâtre, elle a dû s'imposer de nobles sacrifices.

La population a augmenté considérablement; en 1851 elle était à Java de 9,186,000 habitants, et en 1861 de 12,000,000, soit une augmentation de 31 p.c., qui ne nous effraye pas parce que les moyens de production ont suivi la même marche.

Dans la même période décennale on a vu s'augmenter l'importation de 33 p.c. et l'exportation de 34 p.c.

Ces chiffres attestent d'heureux progrès qui n'ont pas échappé à l'attention de l'étranger. M. Mony rend hommage à ces résultats et propose nos colonies comme exemple à l'Angleterre pour la bonne harmonie entre l'indigène et l'Européen. Don Louis d'Estrada (Espagnol) atteste que le respect des institutions et usages du pays assure à la Hollande les meilleurs résultats de ses colonies, tant à l'avantage du gouvernement qu'à celui du pays. Nous ne nous arrêterons pas dans la voie de progrès.

M. Gallos, ancien directeur des colonies françaises, propose également la Hollande pour modèle.

L'orateur estime donc que la Hollande a bien fait, mais le progrès est possible surtout quand la prudence sert de guide.

La science sociale et la science économique ont leur puissance bienfaisante; elles peuvent avoir leur excès surtout par les mesures bonnes en principe, mais trop précipitées dans leur application. Il faut concilier les intérêts des colons et des indigènes.

M. Potvin s'attache à la seconde partie de la question, des devoirs des peuples envers les colonies. Le devoir et l'intérêt s'harmonisent en une équation exacte; son principe est que nul peuple n'a droit de conquête sur un sol occupé. Le droit des gens veut l'égalité des peuples. Sous prétexte de civilisation, de nombreux crimes de lèze-nation ont été accomplis; mais le fait existe, quelles sont ses conséquences au point de vue des devoirs? Le travail doit être libre par la liberté de l'échange, qui ne doit pas être l'objet d'un monopole au profit de la métropole. C'est l'émancipation du peuple des colonies plutôt que la perpétuité de la possession que l'on doit avoir en vue.

L'orateur croit qu'il importe d'encourager le croisement des races, en d'autres termes d'appliquer le principe de l'égalité des races.

M. Van Alphen fait ressortir les bienfaits obtenus en Hollande par la publicité de tout ce qui concerne les questions coloniales. La publicité est le frein des abus. Il demande la nomination d'une commission d'enquête sur l'importante et grave question des colonies.

La séance est levée au milieu de la plus vive agitation, et les membres du Congrès se séparent satisfaits de la discussion ardente et passionnée qui a terminé dignement les travaux du Congrès de 1864.

Édouard Sève.

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