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[27 augustus 1867
Ingezonden brief van Rolin-Jaequemyns]

27 augustus 1867

Ingezonden brief van de heer Rolin-Jaequemyns en redactioneel artikel in Le Bien Public. (U.B. Gent; fotokopie M.M.)

M. l'avocat Rolin-Jaequemyns, président du Crombrugghe's Genootschap nous adresse la lettre suivante, en réponse à un article publié, il y a deux jours, dans nos colonnes:

Gand, 26 août 1867.

A Monsieur le Directeur du Bien Public.

Monsieur,

Vous n'avez pas l'habitude d'envoyer aux personnes que vous attaquez, les numéros de votre journal où il est question d'elles. C'est donc par hasard seulement que je reçois communication de votre article d'avant-hier où vous voulez bien vous occuper de moi.

En réponse aux allégations anonymes que contient cet-article, je déclare, sur ma parole d'honnête homme:

1^o Que, dans sa conference de l'autre jour, M. Douwes Dekker n'a, à ma connaissance, ni affirmé, ni nié, ni discuté aucune espèce de dogme religieux;

2^o Que cette conférence a été écoutée depuis le commencement jusqu'à la fin, avec le calme le plus parfait, et sans être interrompue par aucune protestation, par un auditoire très-nombreux et nécessairement composé de personnes appartenant aux croyances les plus diverses;

3^o Que si j'avais entendu M. Douwes Dekker outrager, aussi grossièrement que vous le prétendez, le bon sens et les plus simples convenances, et si une réclamation quelconque s'était élevée de ce chef, - en admettant que je n'en eusse pas pris l'initiative, - j'aurais certainement appuyé le réclamant au lieu de le combattre;

Mais que 4^o ni M. Vreede, ni aucun des membres Hollandais ou Belges présents à la conférence n'ont accusé M. Douwes Dekker d'aucune grossiéreté de ce genre. Tout ce que M. Vreede a reproché à son compatriot Douwes Dekker, c'est d'avoir mal parlé du régime colonial dans l'île de Java. Or il s'est trouvé, à la suite de mon intervention conciliante, que ce reproche même reposait sur une erreur matérielle, M. Vreede ayant formellement reconnu qu'il avait agi sous l'empire momentané d'une fâcheuse illusion, et que M. Douwes-Dekker n'avait parlé, soit en bien, soit en mal, ni de Java, ni de ses administrateurs.

5^o Que c'est seulement après cet incident que M. Vreede a, librement et de son plein gré, quitté la salle, ce que ne contredit nullement, pour le dire en passant, le terme verwijdering ou zich verwijderen dont se sert l' Amsterdamsche Courant en parlant du même fait;

6^o Que, le soir même et le lendemain de la fête du Van Crombrugghe's Genootschap, plusieurs membres Hollandais qui y avaient assisté, sont venus me témoigner, dans les termes les plus bienveillants, leur satisfaction sur la manière dont l'incident s'était terminé, ajoutant que tel était le sentiment unanime de leurs compatriotes;

7^o Que M. le professeur Serrure père, avec lequel je me suis rencontré également le lendemain matin dans la salle du Conseil Académique, est venu à moi, m'a tendu la main et m'a dit, entre autres choses obligeantes, que s'il avait parlé, il l'aurait fait dans le même sens que moi. Telles sont, Monsieur, les déclarations que j'ai à opposer aux détails nouveaux dont vous vous faites, dans votre article d'avant-hier, le complaisant éditeur.

Dans le même article, vous mettez en doute la valeur du démenti infligé l'autre jour par moi au Beurzen-Courant.

Ce démenti je le maintiens dans toute son énergie. Je reconnais à la vérité que je ne puis vous forcer à croire soit à mes affirmations soit à mes dénégations, pas plus que vous ne pouvez me forcer à croire aux vôtres. C'est au public à juger entre nous. Mais ce que je puis exiger, ce que je réclame, comme condition d'une polémique loyale et sincère, c'est, puisque je signe mes déclarations, que l'auteur des versions patronées par vous, veuille bien signer les siennes. Jusque-là j'aurai le droit de dire que sa conduite manque de courage autant que de sincerité, et de répondre, par le silence du mépris, aux nouvelles histoires qu'il lui plairait d'inventer.

J'ose attendre l'insertion de cette lettere dans votre plus prochain numéro, et vous présente, Monsieur, mes salutations sincères.

g. rolin-jaequemyns,

Président du Van Crombrugghe's Genootschap.

Cette lettre ne modifie aucunement notre manière de voir au sujet de l'incident qui s'est passé au Crombrugghe's Genootschap, à l'occasion de la conférence de M. Multatuli.

M. Rolin-Jaequemyns avait déjà démenti dans une lettre adressée au Beurzen-Courant, un récit très-modéré de l'esclandre produit par le conférencier néerlandais. En dépit de ce démenti, des affirmations toutes contraires ont persisté à se produire publiquement, dans les conversations et dans la presse. Des témoins auriculaires et oculaires donnent des détails qui ne concordent nullement avec les lettres de M. Rolin et son histoire du régime colonial de l'île de Java.

Nous n'avons pas mis le pied au Crombrugghe's Genootschap et nous ne pouvons en conséquence alléguer ici une conviction personnelle; mais sans vouloir blesser le moins du monde M. Rolin, nous devons déclarer que son démenti nous paraît à tous égards moins vraisemblable que les récits qu'on y oppose.

Tout d'abord, la sortie de M. Multatuli est tout à fait dans les idées et dans les allures de ce personnage connu en Hollande pour les excentricités brutales de son impiété, voire même de son athéisme. Les correspondances données par la presse étrangère, même favorable à M. Multatuli, se rapprochent beaucoup plus de la version publiée par le Beurzen-Courant et par le Bien public, que des dénégations de M. le président du Crombrugghe's Genootschap. Nous ne discuterons pas avec M. Rolin-Jaequemyns la signification précise du mot verwydering. Nous lui ferons remarquer seulement que ‘l'éloignement’ de M. Vreede a été accompagnée, au dire de l'Amsterdamsche Courant, d'une énergique démonstration, eene krachtige demonstratie. Cette circonstance nous semble enlever au mot ‘verwydering’ la signification anodine que lui attribue notre correspondant.

Nous ne saurions mieux terminer ces courtes observations qu'en faisant remarquer que le Beurzen-Courant a publié une narration analogue à la nôtre et qu'il persiste à en maintenir énergiquement l'exactitude. Il parle ‘de l'incroyable démenti de M. Rolin,’ et c'est M. le président du Crombrugghe's Genootschap qu'il accuse d'intervertir les rôles et de tronquer les faits. Notre confrère ne parle pas des appréciations de M. Multatuli sur le régime colonial de l'île de Java, mais, en revanche, il lui reproche formellement de s'être attaqué, dans sa conférence, au christianisme et ce, de la manière la plus grossière: ‘Waar is het dat hij in zijne voordracht zich op de hevigste wijze over het christendom uitgelaten heeft.’ - C'est, en autres termes, ce que nous avons rapporté nous-mêmes.

M. Rolin-Jaequemyns demande aux gens qui diffèrent de son avis sur l'incident Multatuli, de signer leurs renseignements et d'écrire dans les journaux. C'est être trop exigeant. Tout le monde n'aime pas à occuper le public de sa personne et il y a des caractères modestes qui fuient la discussion dans la presse tout autant que certains autres la recherchent. Nous verrons si quelqu'un consent à entrer en lice avec M. Rolin. Quoi qu'il en soit, nous maintenons que si tranchante que soit la lettre de M. Rolin, elle ne tranche rien. Nous nous trouvons toujours, sinon en présence des mêmes incertitudes, du moins en face des mêmes contradictions.