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29 januari 1872

van

Stéphanie Omboni-Etzerodt (bio)

aan

E.J. Potgieter (bio)

 

Volledige Werken. Deel 15. Brieven en dokumenten uit de jaren 1872-1873 (1983)

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29 januari 1872

Brief van Stéphanie aan E.J. Potgieter. Twee dubbele velletjes en éen enkel velletje postpapier, tot onderaan blz. 9 beschreven. (U.B. Amsterdam; fotokopie M.M.)

Padoue - le 29 janv. - 72

Monsieur,

Tout en vous remerciant infiniment pour les bonnes lignes que vous m'avez adressées le mois passé je n'y ai pas repondu aussitôt, laissant à Mad.e Dekker le soin de vous écrire directement. Toutefois je me sens toujours en devoir de répondre à cette aimable attention de votre part, et par la même occasion, je prends la liberté, ce qui m'en coûte quelque peu, de faire un nouvel appel à votre générosité et à l'amitié que vous avez déjà tant de fois témoignée à nos malheureux amis. Je crois que la dernière fois que je vous ai écrit, je vous ai fait part d'un emploi que le fils de Mad.e Dekker avait obtenu dans une bonne maison de commerce ici, ou il tenait la correspondance étrangère et se mettait au courant de la comptabilité et de la correspondance commerciale en général. Voilà les avantages qu'il a retiré de cet emploi, outre le petit salaire qu'il apportait chaque mois à sa mère, et qui lui était certainement d'un grand secours. Cependant cette situation dans une petite ville stationnaire comme Padoue ne lui ouvrait guère d'avenir et ne lui offrait pas la perspective de se faire promptement une position, et de pouvoir venir efficacement en aide à sa mère pour l'arracher le plus tôt possible à cette vie de fatigue et de privation qui lui mine lentement les forces et la santé.

Ah Monsieur, quand je vois ce que j'ai tous les jours sous les yeux, cette existence brisée, flétrie, torturée, je me dis qu'il y a un être dans ce monde qui mérite le mépris, la haine et la malédiction de tout coeur honnête et de toute conscience droite. Il y a environ une année que M. Dekker a écrit à sa femme lettre sur lettre, dans lesquelles il a amorcelé tout ce qui pouvait blesser et déchirer le coeur la plus dévouée du monde, pour lui arracher une lettre dans laquelle elle devait renier et même (il aurait voulu) injurier ces amis de la Hollande, qui lui avaient tant de fois porté secours. Il a osé lui faire des reproches, des reproches amers, lui à elle!!! Ces cruelles lettres ont ajouté la dernière goutte de fiol à une coupe déjà débordante. Et cependant elle prend encore partie pour lui! C'est un des plus étonnants exemples, de ce qui s'apelle l'aveuglement de l'affection, qui ait jemais été donné. - C'est alors que, partagée entre les sentiments les plus agités et les plus divers, elle vous a écrit cette lettre ambigue qui vous avait tant surpris. Depuis lors, depuis qu'il a obtenu ce nouveau sacrifice de sa part, et qu'il lui a occasionné cette nouvelle douleur, il n'a jamais plus donné signe de vie; il y a plus de huit ou dix mois que nous ignorons parfaitement où il est, ni ce qu'il a fait. Quant à des secours il ne lui est jamais venu en aide d'une obole. Ce qui n'empêche pas qu'il a voulu lui couper celle qu'elle pouvait espérer de ses amis de la Hollande.

Mais tout cela va bientôt finir, espérons-le, a mesure que son fils s'affirme de plus en plus le garçon intelligent, pratique et devoué à sa mère, qu'il s'est montré jusqu'ici.

Cependant il faut qu'il se hâte de se faire une position qui lui permette d'être bientôt un véritable soutien pour sa mère; celle, qu'il a ici, lui en offre peu de chances; ses talents naturels et les connaissances qu'il a déjà acquises lui permettraient de faire mieux ailleurs. Suivant en cela son propre désir, nourri depuis longtemps, d'aller en Angleterre ou il compte se perfectionner dans la langue anglaise et trouver plus d'occasions de faire fortune qu'ici, j'ai écrit à de vieux amis à Londres, Monsieur et Mad.e De Keyser, propriétaires de l'Hôtel Royal, Blackfriars Bridge, qui, sur ma recommandation, lui ont aussitôt offert une position dans la partie du bureau de leur établissement, où j'ai tout lieu de croire que, grâce à sa propre activité et à la bonne volonté de nos amis, il pourra se faire promptement une position qui, avec le temps ira toujours en s'améliorant. De prime abord il sera logé et nourri, mais dès qu'on sera au fait de sa compétence, il recevra un salaire analogue, et je connais assez les amis, à qui je le confie, pour être persuadée qu'ils agiront à son égard avec toute loyauté et génerosité. - De plus nous avons la satisfaction de savoir qu'en quittant l'emploi qu'il a ici, il emporte la considération et l'estime de ses chefs et la promesse de leur appui en loutes circonstances et aussi à Londres, oú ils ont aussi des relations.

Voilà où en sont les choses, et maintenant il faut penser à l'essentiel, l'argent pour le voyage. Mon bon mari, qui a déjà tant fait y suppléera aussi de sa part, mais voudrait bien n'en pas supporter tous les frais. J'ai déjà écrit à notre amie, la femme de mon père, Mad. Julie Etzerodt, pour la prier de nous envoyer son petit contragent, et maintenant je fais aussi appel à vous-même, espérant que vous ne trouvez pas que j'abuse trop de la confiance que vous avez eu la bonté de me temoigner et de m'inspirer. - Mad.e Dekker voit aussi dans cette occasion l'avenir et le bonheur de son fils, tout en étant au désespoir de devoir se séparer de lui. Il lui reste une consolation dans sa charmante fille, qui se developpe admirablement de coeur et d'esprit, et qui s'applique à ses études avec une assiduité digne de tout éloge et qui récompense sa pauvre mère de tous les sacrifices et les efforts qu'elle fait pour parvenir à lui donner une bonne éducation si importante pour son avenir. - Quant à Mad: Dekker elle-même, elle donne en ce moment des leçons dans quelques unes des meilleures maisons de Padoue mais ces courses et les soins de son ménage le fatiguent, et sa santé me donne de nouveau des inquiétudes.

Voilà, Monsieur Potgieter, un tableau fidèle de l'état des choses. Vous voyez que, comme la vie en général, il est mêlé de bon et de mauvais. D'un coté il y a de grandes et, je crois, de légitimes espérances pour l'avenir, et on peut même dire des consolations pour le présent puisque ces enfants font tout ce que leur age les permet pour être le soutien et le bonheur de leur mère, mais il y a aussi des moments bien difficiles à passer.

Je termine cette lettre déjà trop longue en vous exprimant de nouveau toute la reconnaissance et l'estime profonde que nous vous portons aussi que votre excellente soeur, au souvenir de qui je vous prie de nous rappeller cordialement.

Stéphanie Omboni-Etzerodt

Madame Dekker vous présente ses amitiés et désire savoir si vous avez reçu sa lettre qu'elle vous a écrite il y a environ une quinzaine de jours.