Lijst van correspondenten in alfabetische volgorde
19 januari 1866
van
Tine Douwes Dekker-van Wijnbergen (bio)
aan
Stéphanie Omboni-Etzerodt (bio)
Volledige Werken. Deel 11. Brieven en dokumenten uit de jaren 1862-1866 (1977)
* 19 januari 1866
Brief van Tine aan Stéphanie. (Pée: Tine, blz. 50-53)
Bruxelles, le 19 Janvier 1866.
Ma Loulou chère, ma toute chérie!
Ta lettre si gentille, si douce m'a fait un grand plaisir. Toi du moins tu es la même d'autrefois; Ie bonheur ne te fait pas oublier le passé. Je m'attendais à des reproches (bien mérités), mais tu comprends ma triste position. Tu sais que je n'ai rien dans le coeur que mélancolie, et tu comprends que de répéter toujours la même chose, cela devient à la longue très ennuyeux...
Dekker vient de finir de Ideën en de Bloemlezing. Il est encore en Hollande. Edu, mon bon petit sauvage, est toujours chez la familie Koning. Je languis de Ie voir. Edu dessine si bien d'après nature, et Non, elle aussi, commence. Il parait que tous les deux ont le goût et la vocation pour le dessin, et Nonnie est musicienne selon son professeur; il est fier de son élève. Non devient de plus en plus gentille et tres intelligente. Elle parle bien souvent de toi; si elle me trouve distraite, c'est toujours à toi qu'elle se prend; ‘tu penses toujours à Stéphanie’, et pour la plupart elle devine juste.
Mimi est en ce moment en Allemagne; elle a été chez moi tout un temps et cela est juste. Je sais ce que tu vas me dire, mais ma Loutjou, connaissez ce que vous jugez, et si tu savais tout, tu me donnerais raison. Franciska est en Hollande avec son enfant; la petite doit être très gentille. J'ai été bonne pour elle, je puis le dire en toute conscience, et je n'ai pas eu la moindre satisfaction, elle n'a rien apprécié. Soit! Il y a tant de personnes qui n'ont pas de coeur!
Il y a quelques jours, Dekker m'écrivait: ‘Hier soir j'ai eu le malheur, la maladresse ou le plaisir de souffleter quatre messieurs, qui se moquaient d'une actrice distinguée et honnête femme sur le marché. La salie était en émoi, tout le monde me donnait tort, naturellement; car ‘tout le monde’, est stupide et cruel. De chevalerie pas la moindre notion’. Dekker avait invité ces messieurs de lui faire savoir de ses nouvelles, mais personne est venu.
Voilà l'humor de la nature. Il était venu au théâtre pour aspirer quelque chose de beau, de délicat, de ces impressions qui délassent - et dame nature, au lieu de tout cela, lui donne des messieurs à souffleter.
La seule distraction que je me permets, c'est d'aller quelquefois au théâtre Molière. Naza par son art me fait quelquefois rêver à d'autres choses qu'à notre cruelle réalité. Naza est un acteur charmant; dans la pièce Henri Hamelin il est adorable. Il vient de faire sa rentrée au théatre, car il a été serieusement malade. L'autre jour j'ai été au cours de Bancel, ‘la parole humaine.’ Très beau. C'était dans la salle de l'université libre. Quelle belle salle! Oh, je pensais tant à toi; bien souvent nous avons été ensemble pour écouter son discours. Les soucis m'ennuyent à la mort; j'aimerais tant de jouir encore un peu, car il y a tant de choses qui relèvent 1'âme, qui font du bien au coeur. Mais moi je ne vis plus; j'ai toujours des agitations cruelles. Je souffre trop. L'idée me vient assez souvent d'en finir avec la vie, mais mon coeur saigne de quitter les enfants, et le courage me manque. Comme l'argent a beaucoup de valeur, car je pourrais supporter beaucoup sans me plaindre; mais si l'argent manque complètement on ne peut faire bonne mine. Oh, c'est affreux! Non, tu ne peux comprendre ce que je souffre. Bien souvent j'ai peur de devenir folle. Qui sait ce qui arrivera encore. Ma tête brûle. Comme j'aimerais d'être auprès de toi; quelquefois je pleure et cela me soulage...
Ma chère enfant! excuse mon écriture. J'ai mal à mon bras, je crois que je l'ai forcé; la main est un peu gonflée, de sorte que j'écris difficilement. Comme tu sais, je loge à présent au second; Madame Willème devient plus exigeante, de sorte que j'ai besoin de tout mon courage pour descendre ou pour monter. Oh, quelle vie!! Et comme on sait supporter beaucoup, on ne meurt pas vite de chagrin, ma chère enfant!