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18 maart 1870

van

Tine Douwes Dekker-van Wijnbergen (bio)

aan

Stéphanie Omboni-Etzerodt (bio)

 

Volledige Werken. Deel 14. Brieven en dokumenten uit de jaren 1870-1871 (1982)

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*18 maart 1870

Brief van Tine aan Stéphanie. (Pée: Tine, blz. 88).

La Haye, le 18 Mars 1870.

Ma toute toute chère Stéphanie,

Comme je bénirai le jour où je pourrai te parler et t'embrasser. Encore un peu de patience, ma chère amie, ce jour là viendra.

J'ai manqué mon coup d'état pour le bien de tous, mais cela ne fait rien. Pourtant j'ai gagné beaucoup, grâce à ton aide. Aie confiance en moi, un jour viendra où tout te sera aussi clair que le jour. Je ne puis rien confier à la plume. Ménage toi en m'écrivant car je ne suis pas sûre que mes lettres ne sont pas interceptées.

J'ai beaucoup souffert moralement (ma santé est bonne), mais en tout je pensais: quelle consolation, que toi du moins me comprendras! Chère amie, comme l'amitié vraie a un grand pouvoir! Par elle je me sens souvent forte. Ecris moi, je t'en prie. Chaque jour je pense: aujourd'hui, j'aurai une lettre de ma toute chère, et chaque jour je suis cruellement frustrée. Tu n'as pas d'idée de mon existence, ma vie est remplie de tant de difficultés, qu'on ne pourrait pas le croire, si on ne les avait pas sous les yeux. Je dirai encore plus fort, moi même je n'en comprends quelquefois rien. Il y a tant d'émotions à combattre! Je me demande si souvent, à quoi bon tant souffrir, et qu'on ne sache pas le but de la vie. On tâtonne dans la plus profonde obscurité. J'envie les personnes qui ont une croyance; eux, ils savent du moins pourquoi ils souffrent. Moi, je n'en sais rien. Quelquefois j'ai pitié avec moi même, car mon coeur est si plein d'émotions; je sens tout si vivement et cela ne diminue même pas avec l'âge. Mon coeur ne vieillit pas. Ma toute chère, je ne doute pas que tu es très chagrinée que je ne me trouve pas encore chez toi. Mais il m'était impossible, je devais céder, je ne voulais pas laisser Edouard, qui me priait de rester avec lui; ou aller ensemble ou rester (pour le moment).

Je vois d'ici que le jour viendra que je puisse te dire: ‘Je viens,’ Patience, ma bonne amie, moi aussi j'ai de la patience, quoique je brûle d'impatience de te remercier toi et ton mari de tout ce que vous faites pour nous. Ne me crois jamais ingrate. Je t'aime de tout mon coeur.

Les enfants vous saluent de grand coeur; ils auraient tant aimé d'aller en Italie. Edou surtout, il aime ce pays; il voudrait être Italien de naissance. Dekker en est très jaloux, car si Edou raconte quelque chose de l'Italie, ses yeux prennent un éclat et il se montre tout enthousiaste. Et moi aussi je dois l'avouer, ik heb 't heimwee (Sehnsucht). Edou est plus grand que son père. Dekker aime ses enfants à la folie. Pauvre! Non, je ne puis écrire. Il me faudrait parler. Aime moi toujours.

Nonni est presque aussi grande que moi; elle se développe gentiment. J'espère que je pourrai t'embrasser en peu de temps. Je suis si nerveuse quand je pense d'être avec toi, que la plume me danse dans la main. Salue ton mari et Madame Omboni, et pense à ton amie dévouée

Everdine.