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24 december 1869

van

Tine Douwes Dekker-van Wijnbergen (bio)

aan

Stéphanie Omboni-Etzerodt (bio)

 

Volledige Werken. Deel 13. Brieven en dokumenten uit de jaren 1868-1869 (1980)

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*24 december 1869

Brief van Tine aan Stéphanie. (Pée: Tine, blz. 79-83).

la position nouvelle: nameljk hoogleraar in Padua.

La Haye, le 24 Décembre 1869.

Ma toute toute chère,

Je suis honteuse, on ne peut plus. Moi, qui pense toujours à toi, qui ne fais rien ou je pense: ‘Qu'en dirait Stéphanie?’ je n'ai même pas répondu à ta bonne lettre du 19 Novembre. Ecoute, ma chère, avant tout crois moi que je prends un vif intérêt en tout ce qui te concerne, que je me suis réjouie de grand coeur de la position nouvelle de Monsieur Omboni et que mon coeur à ton égard ne changera jamais. Ainsi ne me gronde pas quand je n'écris pas. Si je pouvais te parler, oh, ma foi, je serais sincère, je n'aurais pas de secrets pour toi; mais je ne puis écrire des lettres, du moins pas dans certaines circonstances, où je ne sais par moi-même ce que je dois faire. Où tout est dénaturel, je ne suis pas moi-même. L'un jour j'ai quelque espérance de voir un rayon de lumière, l'autre jour au contraire tout est aussi sombre et obscur que la nuit la plus noire. Je dois toujours lutter, avec les circonstances et avec moi même. Ma seule illusion, c'est de revoir la belle Italie, le pays qui a toutes mes sympathies. De plus en plus je déteste les Hollandais et le pays. Je veux être juste encore, c'est l'atmosphère qui les rend si détestables. Cet air humide, froid, a une influence si désagréable sur les hommes qu'il faut les plaindre. Les enfants aussi regrettent Milan. Dekker le sait, mais il n'en est pas flatté. Pourtant si l'argent ne manquait pas, il serait le premier de nous donner sa permission de satisfaire notre désir. Il y a des moments où un retour en Italie serait on ne peut plus désirable. Car là je pourrais me tirer d'affaire. Si j'avais eu l'argent pour le voyage à nous trois, peut-être j'y serais à ce moment ci. Crois moi, ma chère, que mon chemin n'est pas semé de roses. Peut être un jour ou l'autre tout changera, qui sait! Je suis mélancolique, moi qui aime tant d'être gaie, qui ai besoin de sentir ce doux reflet du bonheur, moi qui m'attache à un roseau, pourvu que je me trouve heureuse. Je me sens lourde, c'est comme une pierre qui se pose sur mon coeur. Je fais mon devoir, autant que possible, voilà tout. Si tu veux me soulager un peu, ecris moi bien souvent. C'est la seule chose qui me fait du bien. Ecris moi de ta maison à Padoue. Dekker même m'a prié de te demander un plan de ta maison, de ton petit palais; il s'intéresse et s'amuse du palais hanté par les esprits et vendu à si bon marché. Pense toujours à nous et sois pénétrée que le jour où je te reverrai en Italie sera le plus beau jour de ma vie. Donne moi de tes nouvelles. Je n'écris à personne. Dès que je serai plus à mon aise, je t'écrirai plus amplement. Il me serait impossible de te faire comprendre notre position. Elle est des plus embrouillées, et cela serait encore à supporter, mais intérieurement je ne suis pas à mon aise. Je suis triste, je m'ennuie. Chère, pour nous tous je serais très heureuse de pouvoir retourner en Italie, mais cette idée blesse Dekker; pourquoi je dois le ménager en parlant de l'Italie. Edouard n'est plus si gai. Lui aussi, il aspire d'aller retrouver Fasola, lui aussi il déteste la Hollande. Si nous sommes à nous trois, nous causons toujours de Milan. Edouard dit toujours: Dès que j'ai gagné un peu d'argent je vais en Italie. Avec cette idée là il irait à Java pour revenir à Milan.

Tout ce que je t'écris reste entre nous. Tu me comprends si bien. Comme tu as bien fait à l'égard de ton mari; comme il t'aimera encore plus, si cela est possible. Je suis sûre de ton bonheur. Vous, tous les deux, vous comprenez la route qu'il faut marcher. Vous savez saisir le but de votre existence. Oui, je suis persuadée que le bonheur se trouve sur la terre, mais bien peu de personnes savent le prendre au juste moment.

La Nonni est grandie énormément; elle est aussi grande que moi. C'est l'enfant gâtée de Dekker. Elle est si intelligente. C'est une aimable enfant. Edou est un garçon charmant, mais il devrait être à Milan; il n'a rien ici, même pas le moyen de continuer ses études. Il étudie à la maison, il se développe, mais il lui faudrait des études plus sérieuses. Pour moi je n'aurais jamais dû quitter Milan. Edou était si bien en train. Oh, les remords! Et note bien, je pensais bien faire. Mais qui sait ce qui arrivera encore! Patience!

Salue ton mari et Madame Omboni pour moi et de grand coeur. Dis lui que sa nomination m'a fait tant de plaisir, et qu'en tout je m'intéresse ce qui vous regarde. Dekker ne sait pas que je t'écris à ce moment ci. Il est à Gand. Ce soir il reviendra. Il a parlé là du libéralisme dans la vie ordinaire.

Je t'embrasse mille fois. Ecris moi, ma Loutjou chêre. Les enfants vous saluent tous. Pense souvent à moi et crois moi toujours ton amie

Everdine.